Le mariage d'enfants est un mariage formel ou une union informelle dont l'une des parties ou les deux sont âgées de moins de 18 ans. Selon l'association Girls Not Brides, 12 millions de jeunes filles mineures sont mariées chaque année. Au niveau mondial, on estime à 640 millions le nombre de femmes en vie aujourd'hui qui ont été mariées avant l'âge de 18 ans, soit 10 % de la population mondiale. Au niveau mondial, les taux de mariage d'enfants diminuent lentement, mais les progrès ne sont pas assez rapides. Le mariage d'enfants existe partout, mais il est plus répandu en Asie du Sud (26 % des filles mariées avant 18 ans ; 6 % avant 15 ans), en Afrique subsaharienne (31 % ; 9 %) et en Amérique latine et dans les Caraïbes (21 % ; 4 %).
TerminologieLe “mariage d’enfants”, “mariage précoce”, “mariage arrangé”, et “mariage forcé” sont des termes souvent utilisés de manière interchangeable. Cependant, chacun décrit un phénomène particulier, qui en pratique, se chevauchent souvent. Le mariage forcé est le cas où une ou les deux personnes ne consentent pas au mariage ou ne consentent pas à rester mariés, et la pression ou les mauvais traitements sont utilisés pour contraindre une ou les deux parties. Cela est différent d’un mariage arrangé, où les deux personnes ont au moins 18 ans et ont consenti à l’union. Les mariages d’enfants sont une forme de mariage forcé parce que l’enfant ne peut pas fournir un consentement total, libre et éclairé. Le mariage précoce est souvent utilisé comme synonyme de mariage d’enfants. À RTE, nous préférons utiliser le terme “mariage d’enfants” parce que “précoce” est un terme relatif, alors que le terme “enfant” fait référence, en vertu du droit international, à toute personne n’ayant pas atteint l’âge de la majorité, par exemple, l’âge auquel une personne est considérée comme adulte. Pour plus d’informations, voir les paragraphes 20-24 de la Recommandation générale commune No 31 de la CEDAW et du CDE sur les pratiques néfastes.
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Le mariage d’enfants est une pratique discriminatoire ancrée dans la notion que les femmes et les filles sont inférieures aux hommes et devraient se conformer aux stéréotypes sexuels qui valorisent les femmes comme mères, prestataires de soins, propriété des hommes, objets sexuels, vulnérables et ayant besoin de protection, et non comme détentrices de droits. Une myriade de facteurs contribue également à perpétuer le mariage d’enfants, notamment: les inégalités liées au genre, la pauvreté, les lacunes et l’absence de mise en œuvre des lois, le manque d’éducation, la pression des pairs et les conflits et les situations d’urgence. Voir la page de CARE sur les causes du mariage d’enfants (en anglais) pour plus d’informations.
Le mariage d’enfants viole de multiples droits humains, notamment le droit à l’éducation, ce qui en fait une pratique particulièrement volontairement nuisible. Les enfants qui se marient ont plus de chances d’abandonner l’école et les enfants qui ne sont pas scolarisés sont plus susceptibles de se marier. Les statistiques de la Banque mondiale et du centre international de recherche sur les femmes (lien en anglais) révèlent que 10 à 30% des parents, selon les pays, ont déclaré que leur enfant avait abandonné l’école secondaire en raison de mariage d’enfants et / ou de grossesse. Leur recherche indique également que pour chaque année où une fille se marie avant 18 ans, sa probabilité de terminer les études secondaires diminue de 0,22 années en moyenne. En Amérique latine et en Asie, les filles qui se marient avant l’âge de 12 ans ont une probabilité réduite de 21% de terminer leurs études secondaires.
Bien que le droit international le permette, les mariages qui ont lieu après l’âge de 18 ans peuvent aussi avoir un impact sur l’éducation des filles, particulièrement leur capacité à accéder à l’enseignement supérieur ou d’autres formes d’enseignement tertiaire.
La grossesse précoce et non désirée est liée au mariage d’enfants. Le rapport de Filles, pas épouses indique que 90% des naissances chez les adolescents dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire concernent les filles mariées. La grossesse et la maternité ont souvent de profonds impacts sur l’éducation des filles. Il est souvent interdit aux filles enceintes de se rendre à l’école et aux examens, et les mères n’ont souvent pas accès aux programmes de transition qui permettent aux filles de rattraper leur retard dans l’éducation afin de réintégrer l’enseignement ordinaire. En outre, le manque de services de garde gratuits pour la petite enfance et les croyances largement répandues que l’éducation des enfants est la responsabilité première de la mère, signifie que les femmes et les filles ne réintègrent souvent pas l’enseignement.
La grossesse et la maternité peuvent également survenir indépendamment du mariage d’enfants, en raison du viol, ce qui est particulièrement fréquent pendant les conflits et autres situations d’urgence (voir le cas de la Sierra Leone (lien en anglais) qui a assisté à une augmentation des grossesses chez les adolescentes pendant la crise Ebola en raison de la fermeture des écoles). La grossesse et la maternité chez les adolescentes est également la conséquence du manque d’informations relatives à la santé sexuelle et reproductive et d’un manque d’accès à la contraception (contrôle des naissances).
Que dit alors le droit international sur le mariage d’enfants et quelles obligations les États ont-ils à garantir le droit à l’éducation des filles mariées et / ou enceintes?
Le Comité des droits de l’enfant et le Comité pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ont déclaré, dans une Recommandation commune, que l’âge minimum de mariage devrait être de 18 ans à la fois pour les hommes et les femmes. Cependant, les Comités considèrent qu’il faut trouver un équilibre entre le fait de reconnaître que le mariage d’enfants est une pratique néfaste et discriminatoire et le fait de respecter que dans des cas exceptionnels, certains enfants peuvent être suffisamment mûres et capables de prendre des décisions éclairées les concernant en lien avec le mariage, à condition que l’enfant en question ait au moins 16 ans et que de telles décisions soient évaluées par un juge “pour des motifs légitimes exceptionnels définis par la loi et sur la base de preuves de la maturité de l’intéressé et non par soumission aux cultures et traditions”. (paragraphe 20).
Cependant, cette exception limitée n’affaiblit d’aucune manière les obligations des États d’éliminer le mariage d’enfants et les grossesses précoces ou involontaires, et de protéger les droits des enfants mariés et mères, y compris le droit à l’éducation.
Afin d'éviter les mariages d'enfants, les États doivent établir et faire respecter un âge minimum de 18 ans. Souvent, l'âge légal minimum du mariage est fixé, mais la loi est incohérente (voir le cas de la Tanzanie, par exemple). Le droit coutumier -comme la charia ou la loi tribale- est appliqué, ou encore la loi permet aux filles de se marier dans certaines situations, par exemple, si elles sont enceintes ou ont une autorisation parentale. En vertu du droit international, des exceptions comme celles-ci sont interdites.
En Afrique, la législation régionale relative aux droits humains est forte et exige que les États adoptent une législation fixant l'âge minimum du mariage à 18 ans sans exception (Article 6 (b), Protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique [2003]; Article 21 (2), Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant [1990].
Pour plus d’informations sur l’interprétation de ces articles, veuillez consulter l’Observation générale conjointe de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) et du Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant (CAEDBE) sur l’éradication du mariage des enfants.
La carte ci-dessous montre que très peu d'États ont fixé l'âge minimum du mariage à 18 ans. Cela est particulièrement vrai pour les Amériques, l'Afrique subsaharienne et l'Asie du Sud-Est, qui sont toutes des régions où le taux de prévalence du mariage d’enfants est élevé. Il convient également de souligner que le mariage d’enfants est autorisé par la loi dans un certain nombre de pays du Nord, notamment les États-Unis (lien en anglais).
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En vertu du droit international, les États ne sont pas autorisés à refuser l'accès à l'école en expulsant les filles pour cause de mariage, de grossesse ou d'accouchement, car cela constituerait une discrimination. Cela comprend une interdiction des tests de grossesse obligatoires, documentés dans divers États africains, notamment: la Tanzanie, le Ghana, le Kenya, le Nigéria, la Sierra Leone, l'Ouganda et le Zimbabwe.
En outre, pour remédier aux impacts négatifs qu’ont le mariage d’enfants et les grossesses précoces sur le droit à l'éducation, par exemple, si une fille rate son éducation primaire, les États doivent fournir une éducation de base, pour remplacer l'éducation primaire ratée pour les filles qui se sont mariées ou qui sont tombées enceintes à l’âge de l’enseignement primaire (article 13 (d) du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels). Cependant, la plupart des mariages d'enfants et des grossesses précoces surviennent au cours de l'enseignement secondaire. La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (1979, CEDAW) adapte la disposition relative à l'éducation de base pour y inclure des obligations de s’efforcer de garder les filles à l'école et d'organiser des “des programmes pour les filles et les femmes qui ont quitté l’école prématurément” (article 10 (f)). Les programmes qui permettent aux filles de réintégrer l'éducation sont connus sous le nom de «programmes de rattrapage». Des exemples performants de programmes de rattrapage comprennent la Zambie et l'Ouganda.
Compte tenu de la prévalence du mariage et de la grossesse d'enfants dans les pays africains, les lois africaines relatives aux droits humains prévoient également des programmes d'éducation de base et de réinsertion, mais les protections ne sont pas uniformes.
La Charte africaine de la jeunesse (2006) oblige les Etats à : "Veiller, lorsque nécessaire, à ce que les filles et les jeunes femmes qui tombent enceintes ou se marient avant l’achèvement de leurs études puissent avoir l’opportunité de continuer leur formation” (Article 13 (4) (h)) .
L’article 12 (2) (c) du Protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique est moins spécifique et exhorte les États à “promouvoir l’inscription et le maintien des filles à l’école et dans d’autres centres de formation et d’organisation de programmes en faveur des filles qui quittent l’école prématurément”.
L’article 11 (6), de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant demande aux États de prendre “ toutes les mesures appropriées pour veiller à ce que les filles qui deviennent enceintes avant d'avoir achevé leur éducation aient la possibilité de la poursuivre compte tenu de leurs aptitudes individuelles.” Bien que cette disposition semble prévoir des programmes de rattrapage, la mise en garde que de telles opportunités sont basées sur la “capacité individuelle” est en deçà des normes internationales.
Le droit international cherche également à habiliter les filles à prendre des décisions les concernant relatives aux grossesses non désirées et exige qu’une éducation sexuelle, en matière de santé reproductive et en matière de procréation responsable soient donnés aux garçons et aux filles. Voir, par exemple, l'article 10 (h), de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et l'article 13 (4) (n) de la Charte africaine de la jeunesse. Voici une vidéo expliquant l'importance de l'éducation sexuelle complète.
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Enfin, le droit international exhorte les États à démanteler les conditions sociales, économiques, culturelles et politiques qui facilitent le caractère général de cette pratique. Une approche globale est nécessaire pour éliminer le mariage et la grossesse des enfants parce que ses causes sont variées et profondément enracinées. Cependant, les preuves suggèrent que toute approche doit inclure des efforts pour garantir que les filles jouissent et puissent exercer leur droit à l'éducation. Filles, pas épouses affirme que les filles ayant un niveau d'éducation secondaire ont six fois moins de chances de se marier qu'une fille peu ou pas scolarisée.
Pour plus d’informations sur la prévention de la grossesse précoce et non désirée et du mariage d’enfants par le biais de l’éducation, veuillez consulter le document de l’Unesco Grossesses précoces et non désirées : Recommandations à l’usage du secteur de l’éducation (2017).