Les minorités et peuples autochtones parlent souvent une langue qui n’est pas celle de la majorité de la population ou la langue officielle. Ainsi, quand les étudiants issus de minorités ou peuples autochtones étudient dans une langue qui n’est pas leur langue maternelle, il a été démontré qu’ils sont désavantagés et leur développement éducatif est irrémédiablement affecté (voir en anglais Magga et al., Indigenous Children’s Education and Indigenous Languages (en anglais) les articles de Tove Skutnabb Kangas).
Il a également été démontré que les enfants issus de minorités et peuples autochtones peuvent être dissuadés de s’inscrire à l’école et sont plus enclins à abandonner car leur langue minoritaire n’est pas utilisée pour enseigner. De ce fait, il n’est pas étonnant que l’analphabétisme est typiquement plus présent au sein des communautés minoritaires ou autochtones qu’au sein de la majorité de la population.
Le droit d’apprendre sa langue maternelle (que ce soit la langue d’instruction ou en tant que matière) n’est pas seulement une issue affectant les individus, mais des groupes entiers. La langue est le premier vecteur par lequel les coutumes, les valeurs, la culture ainsi que la langue elle-même sont transmises de génération en génération.
Il est important de noter que l’instruction dans la langue maternelle ne veut pas nécessairement dire que les étudiants issus de minorités ou de peuples autochtones ne devraient pas avoir l’opportunité d’apprendre et maitriser la langue dominante. En fait, il est désirable que les étudiants parlent plusieurs langues, leur permettant de bénéficier de l’éducation majoritaire et accéder à l’emploi, tout en conservant leur héritage linguistique. Quand la langue indigène n’est pas transmise, les programmes de revitalisation linguistique pourraient être intégrés dans le système éducatif (voir l’article 13 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones ainsi que le rapport du groupe d’appui inter-organisations sur les questions autochtones).
Le droit international est un peu flou sur les droits linguistiques en matière d’éducation. Néanmoins, les dispositions relatives aux droits de l’homme doivent être lues à la lumière les unes des autres. Ainsi, le droit de participer aux décisions affectant les minorités et peuples autochtones et le droit à la promotion et à la protection de leur culture et identité peut requérir l’enseignement en langue maternelle comme méthode et de la langue maternelle comme matière. La plus forte protection juridique se trouve dans deux traités du Conseil de l’Europe :
L’article 8 requiert des Etats qu’ils s’engagent, dans le territoire où ces langues sont pratiquées et à tous les niveaux d’enseignement, à prévoir une éducation assurée dans les langues minoritaires ou régionales, ou qu’une part substantielle de l’éducation soit assurée dans les langues minoritaires ou régionales, ou de s’assurer de l’enseignement des langues minoritaires ou régionales. Si un nombre suffisant d’étudiants requièrent l’éducation dans la langue minoritaire, les Etats doivent prendre au moins une des trois mesures précitées.
En vertu de l’article 14 paragraphe 1, les Etats « s’engagent à reconnaître à toute personne appartenant à une minorité nationale le droit d’apprendre sa langue minoritaire ». En vertu du paragraphe 2, « dans les aires géographiques d'implantation substantielle ou traditionnelle des personnes appartenant à des minorités nationales, s'il existe une demande suffisante, les Parties s'efforceront d'assurer, dans la mesure du possible et dans le cadre de leur système éducatif, que les personnes appartenant à ces minorités aient la possibilité d'apprendre la langue minoritaire ou de recevoir un enseignement dans cette langue. ».
Au niveau international, deux traités garantissent les droits linguistiques dans l’éducation :
Son article 28 prévoit que « lorsque cela est réalisable, un enseignement doit être donné aux enfants des peuples intéressés pour leur apprendre à lire et à écrire dans leur propre langue indigène ou dans la langue qui est le plus communément utilisée par le groupe auquel ils appartiennent. Lorsque cela n'est pas réalisable, les autorités compétentes doivent entreprendre des consultations avec ces peuples en vue de l'adoption de mesures permettant d'atteindre cet objectif ».
Cependant, cette Convention s’applique uniquement aux peuples autochtones et le nombre de ratification est assez faible (22 à ce jour).
Selon son article 5, « il importe de reconnaître aux membres des minorités nationales le droit d'exercer des activités éducatives qui leur soient propres, y compris la gestion d'écoles et, selon la politique de chaque Etat en matière d'éducation, l'emploi ou l'enseignement de leur propre langue ».
Le droit non contraignant prévoit des standards concernant les droits linguistiques en matière d’éducation. Cependant, les deux déclarations ci-dessous ne sont pas juridiquement contraignantes :
Selon l’article 14 §1, « les peuples autochtones ont le droit d’établir et de contrôler leurs propres systèmes et établissements scolaires où l’enseignement est dispensé dans leur propre langue, d’une manière adaptée à leurs méthodes culturelles d’enseignement et d’apprentissage ».
Selon l’article 14 §3, « Les États, en concertation avec les peuples autochtones, prennent des mesures efficaces pour que les autochtones, en particulier les enfants, vivant à l’extérieur de leur communauté, puissent accéder, lorsque cela est possible, à un enseignement dispensé selon leur propre culture et dans leur propre langue. »
L’article 4 prévoit que « Les Etats prennent, le cas échéant, des mesures pour que les personnes appartenant à des minorités puissent exercer intégralement et effectivement tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales, sans aucune discrimination et dans des conditions de pleine égalité devant la loi ».
L’assimilation, l’absence d’enseignement dans la langue maternelle, l’absence d’éducation adaptée aux besoins et contexte des étudiants, ne sont dans certains cas pas directement dus aux politiques étatiques mais plutôt au manque d’enseignants issus de minorités ou de peuples autochtones, d’enseignants formés pour délivrer une éducation dans des langues minoritaires ou de peuples autochtones, et au manque de matériel éducatif adéquat. Ces cas témoignent de l’inaction de l’Etat et de son échec dans la prise de mesures effectives pour assurer une éducation de qualité pour tous.
Par exemple, l’article 27 de la Convention de l’OIT n. 169 de 1989 requiert que les Etats fournissent des ressources suffisantes afin que les peuples autochtones établissent des institutions éducatives. L’article 8 de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires de 1992 requiert des Etats qu’ils assurent aux enseignants une formation leur permettant d’enseigner les langues minoritaires. C’est aussi le cas de l’article 12 de la Convention-cadre de 1995 qui garantit également l’accès aux manuels scolaires.
Pour des lectures complémentaires concernant les droits linguistiques, voir en anglais la page de Fernand de Varenne ainsi que son article dans le bulletin INTERIGHTS.